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Banques nouvellement créées: Des erreurs à éviter par l’État

  • mercredi, Jui 01 2016
  • Écrit par  La rédaction

Le 20 Juillet 2015, la Banque Camerounaise des Petites et Moyennes Entreprises, la BC-PME, ouvrait ses portes au public. Dans la foulée, l’Etat rendra bientôt opérationnelle aussi la Banque agricole, la CARFIC, actuellement en gestation.

La création de ces établissements bancaires suscite, à juste titre, de grands espoirs pour notre économie. Il faut rappeler cependant que des organismes similaires avaient été mis sur pied dans le passé et qui malheureusement, ont dû tous fermer leurs portes. Pensons par exemple à la Banque Camerounaise de Développement, au FONADER et au Crédit Agricole du Cameroun.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est souhaitable que les deux banques nouvellement créées évitent de tomber dans les mêmes ornières devant inéluctablement les conduire à la faillite. Ancien Directeur de Banque - aujourd’hui retraité - j’ai occupé pendant 25 ans des postes de responsabilité tant à la Société Camerounaise de Banque qu’au Crédit Agricole du Cameroun. Fort de cette expérience, j’ai jugé utile de mettre à la disposition des dirigeants des banques nouvellement créées quelques pistes de réflexion pouvant les aider à assurer la pérennité desdites banques.

A l’ouverture de la Banque des PME, parmi les nombreuses déclarations faites ce jour-là, j’ai entendu dire que la BC-PME était d’abord une banque. Certes les deux nouveaux établissements de crédit sont d’abord des banques, mais pas des banques comme les autres. Elles doivent être considérées comme des banques spécialisées dont la gouvernance obéit à des règles particulières. Qu’il s’agisse donc de la conception, du financement, des organes de contrôle, de la clientèle-cible, de la nature des crédits accordés ou de la politique l’implantation, on veillera au respect de quelques principes que je m’en vais énoncer dans les lignes qui suivent.

Les deux établissements créés doivent être conçus comme des Banques de développement destinées à accélérer l’essor de notre agriculture et de nos PME. L’objectif à atteindre sera d’amener ces deux secteurs à produire d’abord, à produire encore et à produire toujours davantage. En effet, c’est ainsi et ainsi seulement que le Cameroun peut arriver à satisfaire sa demande intérieure et ambitionner de conquérir de nouvelles parts de marché à l’exportation. Pensons seulement aux opportunités que nous donnent le Nigéria voisin et la CEMAC !

S’agissant du financement des deux nouvelles banques, c’est-à-dire de la recherche des ressources nécessaires pour assurer leurs opérations de crédit, il serait vain de vouloir procéder comme le font  les banques commerciales. Ces dernières, on le sait, collectent leurs ressources auprès d’un public tout-venant. Les ressources ainsi collectées étant généralement à vue, les crédits octroyés par ces banques sont essentiellement à court terme. Or, je l’ai souligné plus haut, les nouvelles banques étant des banques de développement, elles sont appelées à octroyer des crédits à long terme. Par conséquent leurs ressources doivent être des ressources stables. Elles se financent donc par des dotations budgétaires de l’Etat,  le recours au marché financier par des emprunts obligataires, éventuellement garantis par l’Etat ; ou alors en faisant appel à des prêts concessionnels auprès de grandes banques de développement régionales ou continentales telles que la BDEAC, la BAD, etc.

Pour ce qui est des organes de contrôle à mettre en place, je pense surtout au Conseil d’Administration. Celui-ci devra être composé de personnalités ou d’institutions ayant réellement un intérêt à voir notre agriculture et nos PME se développer. Voici par exemple quel était l’actionnariat du défunt Crédit Agricole du Cameroun : l’Etat camerounais, la DEG (équivalent allemand de l’Agence française de Développement), l’ONCPB, la SNH, la SNI, la CDC, la SODECAO, la SODECOTON et l’UCCAO. De ces Actionnaires était issu un Conseil d’Administration de 11 membres, dont 03 pour l’Etat et 01 pour chacun des autres Actionnaires. Rappelons-le encore une fois, le Crédit Agricole aurait dû être une banque destinée au développement de l’Agriculture au sens large, c’est-à-dire englobant les activités agraires, pastorales et halieutiques. Or nous sommes ici en présence d’un Conseil d’Administration quelque peu hétéroclite avec des centres d’intérêt assez éloignés parfois de l’Agriculture ainsi définie. Dès lors, il était difficile d’attendre d’un tel organe l’engagement et la cohésion nécessaires pour un contrôle rigoureux de la Banque, malgré la valeur intrinsèque des Administrateurs.

 A propos justement du Conseil d’Administration de la BC-PME, le quotidien de l’Economie du 23 Juin 2015 rapportait ces paroles prémonitoires de M. Protais AYANGMA, le président de l’organisation patronale Entreprises du Cameroun (ECAM) qui disait : « Dans le Conseil d’Administration de la BC-PME, l’on retrouve des représentants de la Présidence de la République, du Premier Ministère, du Ministère de l’Economie, du Ministère des Finances, du Ministère des PME etc. Mais qu’est-ce que ces fonctionnaires viennent faire dans les affaires de la PME ? »

Pour m’en tenir à l’essentiel je dirais, pour finir, un mot sur la clientèle-cible, la nature des crédits à accorder et la politique d’implantation. Les deux nouvelles banques étant des établissements spécialisés, répétons-le, n’ont pas vocation à  ouvrir des comptes à toutes les clientèles comme le ferait une banque universelle. Les projets créateurs de richesse et les exploitations ambitionnant d’améliorer leur productivité seront  donc la clientèle à rechercher. De ceci découle la nature des crédits à accorder. En effet, les projets financés étant destinés à la production ou à l’amélioration de celle-ci, les crédits à accorder seront essentiellement des crédits à moyen ou à long terme. Quant à la politique d’implantation des nouvelles banques sur l’étendue du territoire national, il serait illusoire de vouloir en multiplier les agences comme si on avait recours à la collecte de l’épargne publique. Une création prolifique d’agences n’aboutirait qu’à obérer inutilement la gestion par l’augmentation des charges fixes et la présence coûteuse d’un personnel pléthorique. Dans un souci de proximité avec les clients et pour les besoins d’équilibre régional, on pourrait se limiter à créer une agence par Région.

Un dernier point que je ne saurais passer sous silence. Je veux parler de la nécessité d’avoir, avant toute ouverture, un bon partenaire technique avec lequel doivent être préparées toutes les procédures nécessaires au bon fonctionnement de la banque. L’une des faiblesses du Crédit Agricole a été justement l’absence d’un tel partenaire technique. La conséquence d’une telle situation a été la distraction des énergies et du temps pour la rédaction, la discussion et la validation des procédures au détriment du développement de la banque. Bien entendu, dans le choix du partenaire technique, on veillera à ce que le partenaire retenu exerce le même métier.

Certes, j’aurais pu émettre ces idées à la fermeture du Crédit Agricole. Beaucoup auraient pensé alors que Nomo Messina cherchait à rebondir… Mais aujourd’hui, septuagénaire à la retraite, ma seule ambition en formulant ces lignes, est d’apporter ma modeste contribution à la pérennisation de deux banques qui, bien gérées, participeraient fortement au développement de notre économie, c’est-à-dire en fin de compte à l’amélioration du bien-être de nos concitoyens.

 

 Martin Nomo Messina

Ancien Directeur de Banque

 

 

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