Dans une offensive lancée le mercredi 7 et le jeudi 8 janvier 2015 contre plusieurs localités du nord-est du Nigeria, dont Baga, les combattants en grand nombre et lourdement armés de la secte islamiste Boko Haram ont rasé des villages entiers des cartes. Selon l'Ong Amnesty international, seize localités ont été brûlées lors de cette offensive. Plus de 3 700 structures ont été endommagées ou détruites, 620 à Baga et 3 100 à Doron : «Parmi toutes les attaques étudiées par Amnesty international jusqu'ici, il s'agit de la plus importante et la plus destructrice. Il s'agit d'une attaque délibérée contre des civils, dont les maisons, les cliniques et les hôpitaux ne sont plus que des ruines», a déclaré Daniel Eyre, représentant d'Amnesty international pour le Nigeria.
«Boko Haram, une menace grave»
Des centaines de personnes ont été assassinées. Les sources font état de quelques centaines à 2 000 morts. 20 000 personnes au moins ont dû fuir la région. L'accès à Baga et ses alentours est sous contrôle rebelle. Pour l'armée nigériane, le nombre de personnes tuées ne dépasse pas 150. Des témoins ont rapporté à Amnesty International avoir vu les insurgés faire du porte-à-porte dans la ville, sortant les jeunes gens pour les abattre dans la rue. Daniel Eyre a aussi déclaré que «C'est en se basant sur les récits de ces témoins visuels que nous pouvons affirmer que plusieurs centaines de civils ont été tués si ce n'est plus». Plusieurs témoins affirment que la ville a été abandonnée par l'armée quand Boko Haram est arrivé.
Les milices d'autodéfense auraient combattu avant se sont retirées, parce que ne pouvant tenir tête à la puissance de feu de Boko Haram. Selon un communiqué d'Amnesty international : «Les attaques délibérées contre des civils et la destruction de leur propriété par Boko Haram sont des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité sur lesquels il faut enquêter.» De passage jeudi en Bulgarie, le secrétaire d'État américain John Kerry a déclaré qu’il s’agit du «massacre atroce d'innocents, Boko Haram continue d'incarner une menace grave, non seulement pour le Nigeria et la région, mais pour l'ensemble de nos valeurs. Boko Haram est l'une des entités terroristes les plus malfaisantes et menaçantes actives aujourd'hui sur la planète», a précisé John Kerry.
Insécurité, thème principal de la campagne
L'attaque de Baga est survenue au moment où se déroulent les préparatifs des élections présidentielle et législative prévues le 14 février 2015. La commission électorale du Nigeria a laissé entendre le mardi 13 janvier 2015que les élections générales allaient se tenir dans les États du nord-est, mais qu'il était peu probable que le vote ait lieu dans les zones contrôlées par la rébellion islamiste. L'insécurité est le thème principal de la campagne qui oppose le président sortant Goodluck Jonathan à l'ancien président Muhammadu Buhari. L'armée nigériane a affirmé mercredi sur Twitter qu'elle avait repoussé une attaque de Boko Haram menée à Biu, à environ 400 km au sud-est de Baga. Les assaillants auraient été interceptés par des soldats d'une caserne voisine. Des dizaines de membres de Boko Haram auraient été tués.
Baga avait aussi été attaquée par Boko Haram en avril 2013. La Croix-Rouge nigériane avait évalué que l'attaque a fait près de 200 morts. Au moins 650 000 personnes ont été déplacées sur le territoire nigérian en raison des attaques de Boko Haram, selon le plus récent bilan du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies. Président du Nigeria depuis la mort de son prédécesseur Umaru Yar'Adua en 2010, Goodluck Jonathan est très critiqué pour n'avoir pas éradiqué l'insurrection islamiste qui a fait plus de 13 000 morts et 1,5 million de déplacés depuis 2009. Boko Haram veut établir un califat islamique dans le nord-est du Nigeria.
E.K.K.