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Louison Njoh Mbongué: «Le gouvernement a les moyens de trouver les financements dont il a besoin pour changer le visage de son Ecole»

  • mardi, Oct 11 2016
  • Écrit par  David Nouwou

Louis son Njoh Mbongué vient de faire valoir ses droits à la retraite. Mais il faut retenir qu’il est l’un des rares enseignants à avoir été deux fois proviseur du Lycée Joss de Douala. Il a été de tous les combats des

syndicats de l’Education de ces 25 dernières années au Cameroun, avec l’Organisation des enseignants du Camerou (Onec) qu’il crée en 1991 et qui a particulièrement animé les revendications syndicales, particulièrement du temps de Robert Mbella Mbappe (Petit robert). Ancien membre démissionnaire de la Commission  des manuels scolaire et des matériels didactiques, consultant de l’Unesco pour l’Ecole, il s’est imposé depuis des décennies au Cameroun comme l’un des meilleurs experts  sur les questions qui touchent à  l’Ecole au Cameroun. La nouveauté qu’il propose, c’est le financement de l’éducation nationale au Cameroun.  Si l’on veut espérer atteindre l’émergence.

 

Les enseignants du Cameroun se sont joints à leurs homologues du monde entier pour célébrer le 5 octobre 2016 la journée  mondiale de l’Enseignant. D’après vous, quel est le portrait que vous pouvez dresser aujourd’hui de l’enseignant camerounais ?

 

L’enseignant Camerounais, malheureusement, est un travailleur ordinaire, démotivé et par conséquent résigné. Il va au travail comme à la poste ou dans un quelconque bureau administratif. Il fait le minimum. Il dispense le cours, il rend la copie et il rentre chez lui. D’une manière générale, il n’est pas un enseignant au sens vrai du terme. L’avenir de son élève n’est plus un défi pour lui ; le taux de réussite de ses élèves n’est plus une préoccupation permanente dans son esprit. Il ne fait plus de recherche au quotidien, il lit très peu, sinon presque pas. Faire tout cela dit-il, ne change pas grand-chose à sa vie. Il ne peut s’offrir ni téléphone de valeur, ni internet, ni ordinateur, ni livre de l’élève ou du maître. Les conditions de vie et de travail restent pénibles.  Le 5 octobre, pour la plupart n’est pas un jour de méditation. C’est un jour libre, un jour de fête. On défile, on mange en groupe dans un restaurant et le 6 octobre, on reprend les cours.

Moralité, il faut améliorer le statut de l’enseignant, lui accorder des primes conséquentes liées à l’exercice de sa profession, rendre exécutoire le rééchelonnement indiciaire et le plafonnement de sa carrière à l’indice 1400 comme chez les autres. Bref, toute chose qui concourt à le retransformer de simple travailleur en  un enseignant de qualité. 

 

On ne peut pas parler de l’enseignant sans parler de son produit qui est l’élève. Quel le profil que vous pouvez dresser de l’lève,  le produit de cet enseignant ?

 

Les élèves sont de moins en moins sérieux à l’école. Beaucoup y vont comme des bœufs à l’abattoir. L’école est une affaire de leurs parents. Les élèves cherchent les voies les plus faciles pour réussir. Ils ne s’accrochent  à l’école que si les projets parallèles (musique, Foot-Ball), n’ont pas réussi.

Par contre, nous avons aussi de très bons élèves vers qui, malgré la morosité ambiante, ils nous donnent de bons résultats tant à l’intérieur, que dans les universités et écoles à l’étranger. Il y a donc lieu d’espérer pour l’avenir de ce pays, un minimum est fait

 

Le gouvernement camerounais avait organisé en 1995 les états généraux de l’éducation à laquelle vous avez pris une part active en tant que leader syndical. Quelles étaient en gros les grandes  résolutions de ce forum ?

 

Le plus grand constat qui a été fait était qu’à cette époque, l’école camerounaise était déjà très malade.  Le ministre Robert Mbella Mbappé de regrettée mémoire l’avait solennellement déclaré à l’ouverture des travaux, en précisant qu’il fallait rapidement engager des réformes. Il me souvient qu’à l’époque, j’avais écrit un article dans Onec Info intitulé : «au secours, l’école se meurt» où j’avais fait un triste bilan. Sans entrer dans les détails, on pouvait noter l’inadéquation entre la formation et l’emploi qui implique l’absence de professionnalisation de notre école que le code du travail de 1992 avait davantage permis de mettre en évidence. Puisque pour travailler, il fallait répondre à la question : «que sais-tu faire?» «Qu’apportes-tu à l’entreprise?» L’école ne répondant pas aux attentes du monde du travail ; elle n’est donc ni une école d’intégration à la vie socio-professionnelle, ni de développement. L’enseignant, l’un des maillons essentiels, est dans la précarité qui le pousse aux grèves permanentes qui déstabilisent davantage l’école. A ce niveau, les états généraux ont prescrit une pluralité de propositions qui pouvaient se ramener à deux choses. Une réforme profonde de tout le système éducatif à travers la loi d’orientation scolaire qui a été votée à l’Assemblée nationale et promulguée par le chef de l’état, il y a 18 ans, et la révision profonde du statut particulier de l’enseignement et l’implication de celui-ci dans la prise des grandes décisions portant sur l’école à travers les syndicats de l’éducation.

 

Plus de 20 ans après, qu’est-ce qui a été fait dans le sens de l’application des résolutions de ces états généraux ?

 

 Si l’urgence n’est pas jusque-là à l’ordre  du jour, les autorités se sont secouées un peu. Les syndicats des enseignants ont été reconnus, le dialogue Minesec-Syndicats a été engagé, un statut particulier des enseignements a été signé malgré les insuffisances.  Du point de vue pédagogique, plusieurs approches ont été élaborées pour aller vers la qualité des transmissions du savoir telle que l’approche par compétence la plus récente. Un conseil d’agrément du manuel scolaire, malgré ses problèmes a été créé. Mais il faut dire que c’est du point de vue systémique que presque rien n’est fait, alors que toute la réforme repose là-dessus. L’organisation des cycles de formation, la réécriture des programmes, la requalification de diplômes, l’intégration des nouveaux diplômes et la disposition de ceux qui sont devenus désuets…etc. le chantier est encore vaste.

 

Depuis quelques années, le président de la République du Cameroun a fixé l’horizon 2035 comme  prochain repère pour l’émergence du Cameroun. Est-ce que  « l’émergence en 2035 » ne vous rappelle pas le fameux slogan « santé pour tous en l’an 2000 » où l’on est arrivé plus malades que jamais et dont on ne parle plus?

 

 Il faut se féliciter de ce que le chef de l’Etat ait déjà annoncé la nécessité d’atteindre l’émergence à l’an 2035. Il serait regrettable que ce ne soit qu’un slogan comme le fût « santé pour tous à l’an 2000 ». Il nous faut plutôt entendre cette émergence comme une interpellation qui nous concerne tous, chacun à son niveau.  Emerger, c’est sortir de l’eau étouffante pour respirer l’air aérien, l’air de la mondialisation des économies. Emerger, c’est s’intégrer  progressivement dans le cercle du monde développé. Pour tendre vers l’émergence et par voie de conséquence l’école qui le forme.  L’école de demain se crée aujourd’hui  à travers une école professionnalisée, fabriquant des profils attendus sur le marché du travail.  Si nous maintenons l’école d’aujourd’hui telle qu’elle est, en 2035, nous allons importer de l’étranger, non seulement des techniciens, mais aussi tous les autres hauts cardes nécessaires au développement, comme aujourd’hui les soudeurs du Ghana et du Pakistan. Ainsi, le Cameroun du travail de demain sera le Cameroun des étrangers. Et de cette manière, le Cameroun des étrangers. Et de cette manière, le Cameroun va plutôt s’immerger en 2035 au lieu de s’émerger. Il ne faut donc pas considérer  cet appel comme un simple slogan politique si nous aimons ce pays. Il faut tout faire pour qu’il devienne réalité. L’émergence est un impératif  existentiel. Ou on émerge, ou on immerge. A nous de choisir ce que devra être l’avenir de nos enfants.

 

Etant entendu que c’est inévitablement avec la jeunesse  qu’il faut envisager cette émergence, quelle est la jeunesse d’après vous qui sera capable d’atteindre cette émergence ?

 

Ce sera la jeunesse de l’école de l’émergence. Cette jeunesse qui de par ses compétences techniques et scientifiques, de par ses recherches prospectives, sera capable d’innover et ainsi de tutoyer les autres scientifiques  et chercheurs du reste du monde.

 

Est-ce que le diplômé d’aujourd’hui peut répondre à la question : que sais-tu faire ? Pourquoi ?

En dehors des diplômes de quelques rares écoles supérieures que je ne nommerai pas, nos diplômes ne permettent pas, au stade actuel de notre formation de répondre efficacement à la question que sais-tu faire ?  La raison en est qu’il s’agit des diplômes soit très théoriques, soit très approximatifs dans leurs contenus.

 

 Est-ce que vous pensez que le gouvernement se donne les moyens appropriés pour préparer sa jeunesse à relever le défi de ce développement ?(Approche par compétence professionnalisation.?)  Que proposez-vous afin qu’il prépare dès aujourd’hui une jeunesse capable de relever ce défi en 2035 ?

  

Il faut dire que le gouvernement a octroyé à l’éducation, le deuxième budget national. C’est flatteur, mais il est insuffisant au regard des interpellations liées à l’école. Mais nous pensons que le gouvernement a les moyens de trouver les  financements dont il a besoin pour changer le visage de son école. Il l’a fait dans d’autres secteurs. Le crédit foncier a été créé grâce à une taxe qu’on prélève chez tous les travailleurs. Il en a été de même pour la redevance audiovisuelle. Le fonds National de l’emploi bénéficie de la taxe patronale que versent les entreprises. L’école aussi peut en bénéficier, on pourrait instituer une taxe à l’éducation que paieraient tous les travailleurs, toutes les entreprises d’un certain niveau pourraient dégager un fonds pour la promotion de la formation professionnelle. Supposons qu’on prélève chez les travailleurs la somme moyenne de 2000 Fcfa par personne et par mois.  Si nous sommes 3 millions de travailleurs cela permet de dégager la somme de 6 milliards par mois. Ce qui n’est pas négligeable.  Il y a lieu d’espérer, puisque nous avons les compétences nécessaires et les possibilités pour financer l’Ecole. Et nous avons parmi les jeunes de brillants éléments capables d’incarner le défi de l’émergence de demain. 

 

Entretien mené par David Nouwou

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Publié dans INVITE

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