28 Février 2008-28 Février 2017, deux évènements historiques qui auraient pu bouleverser de manière définitive le destin du Cameroun et des camerounais. Deux évènements, deux discours, deux opportunités historiques pour ce pays marqué par son désir d’autonomie et de liberté suivant le discours des pères fondateurs de la nation « Un peuple décidé à lutter pour sa liberté et son indépendance est invincible »Ruben Um Nyobe
Nous sommes le 28 Février 2008 au Cap en Afrique du sud, Nicholas Sarkozy, le nouveau président français est en tournée africaine, il prononcera un discours sur la nouvelle orientation de la politique française en Afrique.
Nicholas Sarkozy souhaite rompre avec la France Afrique, il propose de briser la tutelle officielle de la France sur nos états, et parmi les différentes chaines, les accords de défenses
‘’La présence militaire française en Afrique repose toujours sur des accords conclus au lendemain de la décolonisation, il y a près de 50 ans !
Je ne dis pas que ces accords n’ont pas été justifiés. Mais je dis que ce qui a été fait en 1960 n’a plus le même sens aujourd’hui. Leur rédaction est obsolète. Il n’est plus concevable, par exemple, que nous soyons entraînés dans des conflits internes. L’Afrique de 2008 n’est pas l’Afrique de 1960 ! La France en tirera toutes les conséquences avec ses partenaires africains.
Je souhaiterais, à cet égard, faire quatre propositions.
La première porte sur les accords de défense entre la France et les pays africains. Ils doivent refléter l’Afrique d’aujourd’hui, et non pas l’Afrique d’hier. Ils doivent reposer sur les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires africains. Je ne dis pas qu’il faille nécessairement faire table rase et tout effacer d’un seul trait de plume. Mais je dis que la France souhaite engager des discussions avec tous les Etats africains concernés pour adapter les accords existants aux réalités du temps présent et en tenant le plus grand compte de leur propre volonté. Elle sera également ouverte au dialogue avec tous ceux qui souhaiteront nouer avec elle un nouveau partenariat en matière de sécurité.’’ Expliquait le président Français devant son homologue Sud-Africain Thabo Mbeki Ce discours sera pour certains chefs d’état l’opportunité historique pour se libérer de la tutelle française, le 19 Mai 2009, le président Biya va modifier les accords de défenses pour une coopération entre états partenaires. Sachant que la souveraineté d’un état ne peut s’adosser que sur une indépendance économique, le Cameroun restait encore en partie lié et dépendant de la France, pire sa souveraineté économique en otage à travers le FCFA. ‘’Nous savons bien qu’il n’y a pas de dignité pour ceux qui attendent tout des autres’’ disait ahidjo au lendemain des indépendances. Enjeux du FCFA et indépendance économique Depuis la prise de conscience des africains sur les enjeux économiques du continent, un vent de révolte s’est emparé des jeunes déterminés à mettre fin à ce qui s’apparente au vampirisme de la France à travers le FCFA. Qu’est-ce qui contraignent nos dirigeants à rester dans cette monnaie coloniale qui fait plus de morts à nos pays que des guerres ? « La France accompagnera la solution qui sera portée par vos dirigeants »… »J’accompagnerai la solution qui sera portée par l’ensemble des présidents de la zone franc. »… »S’ils veulent en changer le périmètre, j’y suis plutôt favorable. S’ils veulent en changer le nom, j’y suis totalement favorable. Et s’ils veulent, s’ils considèrent qu’il faut même supprimer totalement cette stabilité régionale et que c’est mieux pour eux, je considère que c’est eux qui décident et donc je suis favorable. » S’exprimait le président Macron lors de sa tournée africaine, c’était le 28 Novembre à Ouaga .
Le cas du Cameroun Le Cameroun peut-il saisir cette opportunité malgré la volonté de son président ? Une indépendance monétaire signifie une économie solide par des dirigeants visionnaires capables d’impulser une dynamique forte. En optant pour la rupture avec les accords de défenses, le président Biya affirmait son désir de libération, d’autonomie et de prospérité pour le Cameroun. En 2012 le président Biya a lancé les grands projets infrastructurels, deux ans plus tard il limite le dépôts d’Or du Cameroun au trésor français, lance le programme agropole pour booster la production locale et dynamiser l’agro-industrie, il lance le plan d’urgence et initie la révolution numérique avec les BRICS(Câble Kribi-Forteleza) Exaspéré par l’inertie de son gouvernement, à la veille de l’année 2014, dans son discours à la nation le 31 Décembre 2013, le président Biya va s’interroger sur l’attitude de son gouvernement avant de conclure ‘’que vous manque-t-il ?’’ Lorsque le président Kamto, leader politique déclare en 2016 qu’en l’état actuel le Cameroun n’est pas techniquement prêt pour sortir du FCFA, celui qui a toujours affirmé son patriotisme et son nationalisme sachant que cette monnaie est nocive pour le pays, avait évalué l’incapacité des dirigeants camerounais à transformer de manière structurelle l’économie du pays. Un avis partagé par le Docteur Dieudonné Essomba qui va plus loin en affirmant qu’avec la structure actuelle de l’état, le Cameroun s’enfonce dans le gouffre. Le professeur Bruno Bekolo Ebe dans un entretien accordé à Jean Bruno Tagne sera formel, ‘’ rien ne va changer malgré l’assainissement si la structure économique globale du Cameroun n’est pas modifiée dans le sens de la productivité, seule garantie pour l’émergence de notre économie’’ disait-il Il y a quelques mois, le ministre camerounais de l’économie et de la planification Louis Paul Motaze disait sur le FCFA depuis Kigali où il participait à l’Assemblée générale annuelle de la Banque Africaine d’Import-Export (AfreximBank) « C’est une question très importante, mais actuellement, cela ne constitue pas le plus gros de nos défis. Nous devons renforcer notre système de production et la diversification de nos économies ».
Au-delà des discours, il y’a la réalité, a l’habitude de dire les camerounais.
Inertie et incompétence
Avec 07 milliards de dollar disponibles dans les caisses des organismes financiers en attente de décaissement, des milliards mobilisés dans le développement des projets, le Cameroun s’est une fois de plus retrouvé dans les mailles du fond monétaire international pour une période de trois ans. En énumérant les échecs des projets du programme agropole, usine des tracteurs d’Ebolawa, usine de manioc de Sangmélima, usine des poulets de Bafang, usine de riz de Galim , usine d’ananas de Lowe, usine de transformation de Soja de Yato, usine des pommes de terres dans le Nord-Ouest etc…Tous ces projets vont engloutir des milliards de FCFA pour un résultat Zéro. ‘’Les dirigeants camerounais ne respectent même pas les reformes structurelles qu’elles se sont appropriées, l’état ne devait plus s’engager en prenant des risques dans le secteur privé, nous voici une fois de plus dans des projets foireux’’ explique Christian Penda Ekoka Conseiller Technique à la présidence de la république du Cameroun. Un gouvernement peut-il dynamiser une économie lorsqu’elle est incapable d’utiliser les fonds alloués à l’assainissement d’eau dans les villes du pays ? La banque Africaine de développement avait mis à la disposition du Cameroun près de 30 milliards pour l’assainissement en eau dans certaines villes, cette même banque reviendra 8 ans après donner un délai d’utilisation de cet argent, ceci témoigne de l’ADN de l’administration camerounaise ,explique Penda Ekoka qui va plus loin dans son analyse’ ’c’est une défaillance systémique de l’état, comment le contrôleur de la dette de l’état depuis ce temps n’a pas alerté le gouvernement, ou encore, que disait le premier ministre tout ce temps ?’’ Performance des entreprises publiques Au début du mois de Février, le Quotidien de l’économie citant les statistiques contenues dans les annexes de la loi de Finances 2017 révèlera que sur les deux dernières années, 12 sociétés d’Etat sur 28 ont été déficitaires. Alors que la Cameroon Development Cooperation, 2ème employeur du pays après l’Etat affichait un score de -10 milliards de francs Cfa en 2015,celui de Camair-Co était de -17 milliards pour la même année, le Chantier naval et industriel du Cameroun (-5 milliards de FCFA en 2015), la société Electricity Development Corp (-2,9 milliards de FCFA en 2015), la Société immobilière du Cameroun (-2,1 milliards de FCFA en 2015), ou encore la Cameroon Postal services (-1,271 milliards de FCFA) font également partie de ces sociétés d’Etat accumulant les déficits. Sur les grands projets Le ministère camerounais de l’économie et de la planification annonçait il y a quelques mois le ralentissement des investissements dans les gros projets à partir de 2019, cinq ans après le démarrage des chantiers, qu’est-qui est opérationnel ? Port de Kribi Avec plus de 400 milliards d’investissements au port de kribi, cette infrastructure accueille un bateau tous les deux ou trois mois, le personnel du port payé, et selon Penda Ekoka, après le retrait de Rio Tinto qui avait un investissement de près de 10 milliards de dollar à Kribi, le Cameroun aurait dû orienter ce projet vers Limbé pour plus de rentabilité. Logements sociaux, malgré les promesses des investisseurs, le Cameroun est loin des 10 000 logements sociaux par régions promis en 2011, tout le pays comptabilise à peine 4000.Autoroute Douala-Yaoundé, usines de voitures, etc…’’ Vous croyez aux gens qui abandonnent le projet de barrage de la Mentchum dans le nord-ouest qui va ravitailler le Nigeria pour venir vous dire qu’ils vont construire plutôt l’usine des voitures à Bamenda ?’’ S’interroge le conseiller Penda. ‘’On booste une économie par la concurrence, vous donnez le port de Douala et le Port de Kribi à un même operateur, il faut qu’un individu depuis Yaoundé décide sur l’eau que les populations doivent boire à Yoko’’ Lorsque le président Macron parle de la climatisation et de l’électricité dans son discours à la jeunesse, il est important de comprendre qu’il s’agit d’un message à l’endroit de la jeunesse sur la responsabilité de leur dirigeants ; En réécoutant le président Macron, on se demande s’il ne s’adressait pas au Cameroun.
Edmond Kamguia K.