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Pr Louis Albert Tchuem Tchuente: «En respectant les règles d’hygiène on peut éliminer définitivement la bilharziose au Cameroun »

  • jeudi, Aoû 04 2016
  • Écrit par  Hervé Villard Njiélé

Professeur des universités, coordonnateur du programme de lutte contre la schistosomiase et les helminthiases intestinales au Cameroun, Pr Louis Albert Tchuem Tchuente est

également ambassadeur de Liverpool school of tropical medecine (LStm) dans la lutte contre  les maladies  tropicales  négligées dans  le monde. Dans une interview accordée à La Nouvelle Expression, il nous parle des  maladies tropicales négligées et de la lutte contre  la bilharziose au Cameroun

 

Pourquoi  le Cameroun  ne s’occupe que de cinq des 17 maladies évoquées dans  la liste des maladies tropicales négligées?

 

L’Oms a accordé une priorité à 17 maladies négligées dans le monde et au niveau de l’Afrique, l’Oms  Afrique  priorise 10 de ces maladies  tropicales négligées. Ces dix maladies regroupées en deux groupes  se retrouvent au Cameroun. Il y a un  groupe de maladie à prise en charge individuelle comme la lèpre, le pian, l’ulcère de Buruli, la lechmaniose, la trypanosomiase africaine ou encore la maladie du sommeil. Ces maladies sont  prises en charge de manière individuelle puisque les cas varient d’une  personne à  l’autre. Le deuxième groupe comprenant cinq maladies obéit à un traitement de masse. Ce groupe comprend la bilharziose, la filariose lymphatique les helminthiases intestinales, l’onchocercose et le trachome. Après un examen parasitologique on fait un traitement de masse en fonction des résultats.

 

Comment avez-vous apprécié l’évolution de la lutte contre la bilharziose au Cameroun ?

 

La lutte a été efficace dans  l’ensemble  puisqu’on assiste à une diminution  importante  de  la prévalence de ces  maladies dans l’ensemble de toutes  les régions du Cameroun. Nous avons visité plusieurs sites et ces foyers illustrent l’impact des interventions menées par le programme national de lutte contre la schistosomiase et des helminthiases intestinales créé par le ministère de la Santé publique. Nous avons été à Kinding Ndjiabi dans l’arrondissement de Makenene région du Centre où on a constaté qu’il y a  un exemple de success story parce que dans  ce foyer, la transmission de la bilharziose a été complètement interrompue. Les études de suivi ont montré que depuis  lors  il n’y a plus de réintroduction de cas de bilharziose dans cette localité. Et ce foyer va rester sur surveillance pour éviter des cas de réintroduction ultérieure dans ce village. On a vu  le foyer de Yaoundé qui est une situation différente parce qu’on est en  milieu urbain où il y a des quartiers où on vit  la transmission de la bilharziose. Heureusement,  les enquêtes  menées en début des années 2016 ont  montré que la prévalence est de 0% dans la plupart des quartiers.

Dans une localité comme Edéa, on constate beaucoup de facteurs qui favorisent la distribution. Par exemple le cours d’eau  qui favorise la contamination directe par les matières fécales qui sont canalisées directement dans l’eau.  Ce foyer est particulier parce qu’il a la troisième forme de bilharziose qu’on trouve au Cameroun, et qui est une espèce donc la distribution est très restreinte. Le niveau de transmission grâce au programme est maintenu en dessous  de 5% depuis de nombreuses années. Il y a un effort particulier à faire pour arriver à l’élimination  de la transmission de la bilharziose dans ce district de santé. Il faut changer de stratégie en intensifiant. Nous avons décidé de traiter  toute les populations âgées de 5ans

 

La situation dans le Sud-Ouest est plutôt particulière ?

 

Dans le Sud-Ouest on était dans deux sites particuliers avec des lacs Barombi qui sont des lacs de cratère constitués de deux composantes importantes. Barombi Mbo est un  environnement où les populations utilisent en majorité de l’eau du lac. Heureusement dans cette communauté on a des installations qui permettent d’avoir un approvisionnement  en eau, ce qui limite le contact avec l’eau du lac. Jumelé avec  le traitement et  l’éducation sanitaire, on est arrivé à une baisse significative de la bilharziose dans cette localité. On est passé de 62% à un taux de prévalence d’environ 3%. Le dernier foyer  visité,  Barombi Kotto est aussi situé dans le lac de cratère avec une dynamique de transmission complètement différente de Barombi Mboh.  Tous les habitants de cette île ont une obligation de contact avec l’eau pour leurs différentes activités.  Ce contact régulier favorise la réinfection et c’est pour cette raison qu’on a une transmission complètement différente. Dans ce village, il n’ya pas d’autres sources d’eau en dehors du lac. Ce contact régulier favorise  la réinfection puisque toute la population dépend de l’eau du lac. Grâce aux campagnes de lutte contre cette maladie, à la sensibilisation et  l’éducation des populations, on est passé de 82% à 46 % de taux  prévalence sur l’île. Cependant vue le contact régulier, la réinfection est  plus rapide. Cette  prévalence si rien n’est fait,  va remonter. Mais grâce au traitement annuel mené dans ce village, bien qu’il ait de ré infestation, il n y a plus de cas de morbidité et il faut aussi  intensifier l’éducation de la population.

 

Pourquoi dit-on que la bilharziose  fait partie des maladies tropicales négligées ?

 

Avant les maladies était traités individuellement. On s’est rendu compte en fin d’années 1990 que l’attention des gouvernements des bailleurs de fonds et des chercheurs était fixée sur  trois  maladies le Vih, le paludisme et la tuberculose. Donc il y avait tout un groupe de maladies pour lequel il n’y avait plus d’intérêt. L’oms a constaté que prise ensemble ces maladies parmi lesquelles la bilharziose, ont des dégâts plus importants sur les populations que les trois maladies suscitées.  On a constaté que la morbidité était plus importante que les trois autres. C’est pourquoi en 2005 le concept de maladies tropicales négligées a été mis sur pied. C’est parce que cette maladie était négligé par toit le monde que le concept existe.

 

Est-ce que  le traitement est à la portée du Camerounais moyen ?

 

 La lutte contre cette maladie est entièrement  gratuite. Les firmes pharmaceutiques se sont engagées à données gratuitement à  travers l’Oms  des médicaments  à tous les pays  souffrant de cette  maladie jusqu’à  son élimination complète.  Ces médicaments sont donnés à travers l’Oms et les pays qui en ont besoin font la demande auprès de l’Oms. Par contre, il faut que  les communautés et les gouvernements mobilisent des financements pour la distribution parce qu’avant le traitement il y a la sensibilisation, la formation et l’acheminement des médicaments dans les zones reculées. Et tout ça à un coût qui doit être mobilisé par les gouvernements et l’ensemble des partenaires pour atteindre la population cible.

 

Quel conseil donnez-vous aux Camerounais pour prévenir la bilharziose ?

 

Je souligne que la lutte contre cette maladie est une activité de longue haleine et aucune organisation ne peut y arriver toute seule. Cela nécessite la contribution de chacun à son niveau. La plupart de ces maladies sont liées à la pauvreté et à l’hygiène. Donc s’il y a un changement de comportement au niveau de la population, surtout une amélioration des conditions d’hygiène, on va arriver à l’élimination de la maladie. Les populations doivent respecter les règles d’hygiène, utiliser les latrine, bien laver les fruits et légumes avant de consommer

 

Est-ce qu’il y a des chances qu’à la longue on ne parle plus de ces maladies au Cameroun ?

 

Bien sûr. Mais ça doit varier d’un  milieu  à un autre. Par exemple, dans  les milieux où  il y a plus d’hygiène, on aura une recule importante. Mais à la longue avec le développement et une prise de conscience par la population, on pourra arriver à l’élimination de cette maladie, mais ça doit être une affaire de tous.

 

Est-ce que  seules les régions du Centre, du  Littoral et du Sud-ouest sont concernées par cette maladie ?

 

Les régions visitées  ne sont qu’un échantillonnage. Les études réalisées dans les 10 régions du Cameroun ont montré le même impact. Que ce soit au Nord, au Nord-Ouest, au Sud, à  l’Est, à l’Extrême Nord, on a le même impact. Les enquêtes menées dans ces différentes régions ont démontré qu’on a une baisse significative du taux de prévalence de la schistosomiase au Cameroun avec l’action du ministère de la Santé et du programme nationale de lutte contre la schistosomiase et des helminthiases intestinales.

 

Quelles sont les signes  précurseurs de la bilharziose ?

 

Il faut dire qu’il y a deux formes de bilharzioses à savoir la bilharziose urinaire et la bilharziose intestinales. Dans  le cas de la bilharziose urinaire le signe  le plus simple c’est  la présence du sang dans  les urines. Dès que vous avez un enfant qui  présente ce type de signe, il faut directement  le conduire à l’hôpital parce qu’il  peut souffrir de la bilharziose urinaire. Dans  la cadre de la bilharziose intestinale, on peut avoir des traits de sang sur les sels, avoir  une douleur au  bas ventre et présenter un gros ventre. Ces signes précoces  qui se manifestent obligent  le parent de conduire  l’enfant ou  l’adulte lui-même à se présenter  dans  un centre e santé pour  des examens de dépistage de la maladie et la présence des œufs les schistosomes  dans les sels. Et  se faire soigner.

 

Quelle est la durée du traitement ?

 

 Le traitement  pris actuellement n’est pas un vaccin. Le traitement a pour but de tuer  les parasites présents dans l’organisme.  Il déparasite entièrement  la personne. La difficulté c’est que  la plupart des personnes malades  vivent dans  le milieu avec le parasite. Ce qui  favorise le risque de  réinfection. C’est pourquoi, il  faut  traiter  régulièrement en  moyenne deux fois  par an. S’il n’y avait  pas de parasite dans l’environnement, on pouvait traiter une seule fois.  Pour  la bilharziose, le traitement varie. Le moyen de lutte contre cette maladie c’est le respect des règles  d’hygiène, le respect de la réglementation en matière de construction des latrines, de l’assainissement de l’environnement, une prise de conscience et un changement de comportement  pour éliminer cette  maladie.

Interview réalisée par Hervé Villard Njiélé

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Publié dans SCIENCES

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